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La maladie mentale, symptôme humain par excellence

Auteur: GUILLEN Fabienne

La maladie mentale, symptôme humain par excellence

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La maladie mentale, symptôme humain par excellence

Fabienne Guillen

Je me suis donnée comme objet de réflexion à partager avec vous aujourd’hui d’étudier les entrecroisements de deux concepts essentiels à la psychanalyse pour se repérer dans la clinique, l’identification et le symptôme. A une extrémité, il semble que tout les sépare : si un sujet vient à l’analyse, c’est bien parce qu’il ne se reconnait pas dans ses symptômes bien qu’il sache qu’ils lui appartiennent (c’est moins constant dans la psychose, encore que…). A l’autre extrémité, quel est l’analyste qui n’a pas entendu son analysant sur le point de se séparer d’un symptôme, hésiter sur le seuil en se disant que sans lui, le symptôme, il n’allait plus se reconnaître, il allait perdre quelque chose qui justement l’identifiait de façon certaine bien que non satisfaisante ? On sent bien qu’il y a là une profonde ambiguïté qui est sans doute à l’origine de notre difficulté à appréhender le dernier mot de Lacan sur la fin de la cure comme l’identification au symptôme.

Je voudrais vous faire part, en préambule, de ce qui m’a donné l’idée de mettre sur le métier, cette problématique, et m’a permis de mieux comprendre cette fameuse « identification au symptôme » de fin d’analyse que nous propose Lacan. Depuis des années déjà je coordonne la tâche d’une lecture systématique de l’œuvre freudienne et lacanienne pour étudier l’évolution épistémique du concept de symptôme. Ce travail est passionnant car il nous confronte à des découvertes inattendues. Voici celle qui m’a mise sur la voie du travail que je vous livre aujourd’hui.

Dans la première leçon de son premier séminaire à Sainte-Anne, juste après la création de son Ecole, Lacan s’attache à une relecture des Ecrits techniques de Freud, ce qui l’amène à une critique réglée de la conduite de la cure par les analystes postfreudiens. Revenant sur l’importance capitale que donnent au moi les analystes qui ont suivi Anna Freud, Lacan dit ceci qui est aussi surprenant que saisissant1 :

D’un autre côté, au contraire, tout le progrès de cette psychologie du moi peut se résumer en ces termes – le moi est structuré exactement comme un symptôme. A l’intérieur du sujet, il n’est qu’un symptôme privilégié. C’est le symptôme humain par excellence, c’est la maladie mentale de l’homme.

C’est nous qui soulignons cette affirmation car elle anticipe de façon saisissante ce que Lacan appellera bien plus tard, dans l’année de son séminaire Le sinthome qu’il consacre à Joyce, « la maladie de la mentalité » à propos d’une patiente, Brigitte B, qu’il a présentée à l’hôpital Sainte-Anne le 16 avril 1976. Je vous conseille de la lire ou de la relire. Vous la trouverez retranscrite sur le site de Patrick Valas. Cette patiente se plaignait de vivre dans un monde de faux semblants où elle-même comme les autres se résumaient à n’être que « des habits en promenade » selon l’expression de Descartes que Lacan rappelle dans le séminaire Encore , faute d’avoir un corps à y mettre dedans. Lacan qualifie la psychose de cette femme de paraphrénie, état non encore très systématisée, mais qui se caractérise par « une maladie de la mentalité » en ce sens que l’image narcissique n’étant pas lestée par l’objet du fantasme, reste en somme flottante, comme détachée du réel et du symbolique. Cette mentalité flottante ne peut donner au sujet un véritable sentiment de soi, c’est-à-dire un véritable ego. En effet, le problème central de Brigitte B réside dans son incapacité à se construire un moi stable, sa singularité portant sur un échec massif de son narcissisme. Aussi, affirme-t-elle ne pouvoir s’identifier qu’à une robe, mais aussi bien à un gilet que porte une patiente qu’elle croise et dont elle croit qu’il lui appartient… Lacan insiste sur ce fait que le problème réside dans le fait qu’elle n’a aucun corps à y mettre dedans. C’est ainsi que je comprends que, l’opposant à la paranoïa qui trouve sa solution dans l’affirmation exacerbée de sa personnalité, de son moi, qui fait sa mégalomanie, il affuble Brigitte B de ce diagnostic inédit : « la maladie de la mentalité ».

Il ajoute, dans ce premier séminaire où il affirme que le moi est le symptôme privilégié de l’homme au sens générique du terme :

Traduire le moi analytique de cette façon rapide, abrégée, c’est résumer au mieux ce qui résulte de la lecture pure et simple du livre d’Anna Freud, Le Moi et les Mécanismes de défense.

Lacan poursuit son idée : le moi se construit sur le sujet exactement comme un symptôme. C’est la profonde ambiguïté de la conception que les analystes se font de l’ego qui serait tout ce à quoi on accède, bien qu’il ne soit par ailleurs qu’une espèce d’achoppement, d’acte manqué, de lapsus. Fenichel va même jusqu’à dire qu’il est une fonction par où le sujet apprend le sens des mots. Lacan s’inscrit bien sûr en faux par rapport à cette idée et affirme que le sujet est au contraire pris d’abord dans le langage dont le rôle est formateur, fondamental dans son histoire. Le moi humain est cette série de défenses, de négations, de barrages, d’inhibitions, de fantasmes fondamentaux qui orientent et dirigent le sujet. Le but d’une analyse est la réalisation de la vérité du sujet qui se différencie de l’exactitude d’une pseudo-réalité. En relisant Freud, nous pouvons voir comment les symptômes infiltrent peu à peu l’instance moïque pour donner au sujet son caractère. Le moi n’est pas avec Lacan, une instance de synthèse qui permet au sujet de s’adapter à la réalité, mais le masque composite qui nourrit sa méconnaissance de lui-même. C’est donc ici que nous tombons sur la question de l’identification. Lacan nous présente le moi depuis son stade du miroir, en passant par le schéma optique comme la somme des identifications du sujet aux idéaux de l’Autre. A ce moment de son enseignement, Lacan dans son schéma L, où l’axe de l’Imaginaire et du Symbolique s’entrecroisent, semble pourtant différencier fermement le sujet et le moi. D’un côté, le sujet et le grand Autre sous-tendent aux deux extrémités l’axe symbolique où se constitue le symptôme comme message venant de l’inconscient, de l’autre côté, le moi et le semblable (l’alter ego) sous-tendent l’axe imaginaire où se fomentent les fantasmes qui viennent écranter, occulter l’axe fondamental symbolique qui ne se manifeste dès lors que de façon intermittente et masqué dans les formations de l’inconscient et plus particulièrement dans les symptômes. C’est sans doute, la façon dont Lacan reprend l’idée freudienne que le moi serait l’instance qui préside au refoulement des motions pulsionnelles inacceptables rejetées ainsi dans l’inconscient. Du coup, le symptôme se conçoit dès lors comme un compromis qui ne revient que comme un déguisement du retour du refoulé et qui a du mal à se faire admette comme une identification acceptable par le moi. Là, sans doute, s’origine l’apparente inimitié entre l’identification et le symptôme et notre recul premier à concevoir la possibilité de s’identifier au symptôme.

Pourtant, c’est bien cette idée autour de quoi je tourne aujourd’hui et qui est pour moi, une évidence récente : il y a pour Freud comme pour Lacan, très vite dans leurs élaborations, l’idée que le symptôme est ce qui identifie le plus sûrement le sujet, et non le moi. Mais c’est justement parce qu’il est une identification plus puissante, oserais-je dire, que les autres qu’elle finit parfois par s’imposer et s’infiltrer dans le moi qui consent à y trouver des bénéfices secondaires comme l’avait remarqué Freud.

Dans son texte des Ecrits, « Variantes de la cure-type »2, on comprend pourquoi Lacan dénonce la déviance des tenants de l’analyse du moi en se demandant où est la fin de l’analyse concernant le moi. Elle aboutit à l’analyse du caractère3, fondée sur la découverte que la personnalité du sujet est structurée justement comme un symptôme recélant le sens d’un conflit refoulé. Rien d’étonnant après ce que nous venons de dire puisque le moi devient un ensemble assez hétérogène entre les symptômes et l’ensemble des défenses érigées contre ces derniers. Si ce point de vue, nous dit Lacan, a eu le mérite d’objectiver des structures telles que le caractère « phallique-narcissique », « masochique », méconnus jusque-là parce qu’apparemment asymptomatiques, mais aussi le caractère « hystérique » et « obsessionnel » déjà signalés par leurs symptômes, on peut se demander quelle est la visée et les résultats d’une telle orientation de la cure. Reich pense que sa fin est de faire considérer au sujet sa personnalité comme un symptôme. Nous ne pouvons que relever notre étonnement de la contradiction de cette perspective chez des analystes qui considèrent le moi comme l’instance permettant au sujet de s’adapter à la réalité. Mais nous comprenons la déviance de la conduite de la cure qui consiste dès lors à une rééducation quasi pédagogique du moi qui élude par là même sa dimension symptomatique.

L’idée de Lacan, à ce moment-là sur la fin de la cure, dépend de la bonne position de l’analyste pour qu’il ne soit pas une résistance à celle-ci : il doit s’effacer comme petit a (alter-ego, à ce moment de son enseignement, où il n’a pas encore inventé l’objet a) pour que l’analysant ait accès à l’Autre, avec un grand A, dans sa radicale altérité. Ainsi, ce qui part de l’imaginaire du moi du sujet ne peut plus s’accorder avec son partenaire habituel qu’est le petit autre, mais avec cet Autre radical qui le détermine mais qui lui est habituellement masqué. Ce qui s’appelle transfert se passe entre A (cet Autre radical) et m (le moi) pour autant que l’analyste, justement, n’occupe pas la place de ce semblable, petit a. C’est donc au niveau du transfert défini ainsi entre A et m que peut se produire une sorte d’effet d’amplification du discours fondamental jusque-là censuré, qui peut enfin s’éclaircir. Le progrès de la cure se produit dans la mesure où le moi (petit m) apprend peu à peu à se mettre en accord avec le discours fondamental, c’est à dire se rapproche de S (le sujet). Cela ne veut pas dire qu’un moi supposé autonome prend appui sur le moi de l’analyste, comme l’écrit Loewenstein. Cela veut dire au contraire que le moi devient ce qu’il n’était pas, qu’il vient au point où était le sujet. C’est ainsi que Lacan commente le fameux : Wo es war, soll ich verden, de Freud. Mais le moi n’est pas volatilisé pour autant après une analyse aussi poussée soit-elle ; on ne monte pas dans le ciel désincarné, comme pur symbole. Nous voyons déjà que Lacan envisage tout de suite les limites du symbolique même si sa définition du réel reste encore un peu flottante dans ses premiers séminaires. Toute expérience analytique est une expérience de signification. Réinsistons sur le fait, qu’à ce moment-là de son enseignement, Lacan n’a pas encore élaboré comme il le fera plus tard sa catégorie de réel et qu’il est encore occupé à réhabiliter chez les analystes de l’époque la dimension du symbolique. Dans cette perspective, le sujet découvre sa signification qui est fonction d’une parole qu’il a reçue de l’Autre, d’où les termes de vocation et d’appel. Tant que la reconnaissance symbolique ne s’est pas établie, l’ordre symbolique reste muet. Nous sommes là en 1953-1954, ce que nous avons l’habitude de nommer « le premier Lacan ». Je trouve pour ma part que ces découpages un peu artificiels méconnaissent la subtilité et les anticipations étonnantes que Lacan distille dès le début de son enseignement et qui font le lit de sa pensée future.

Faisons donc un saut et reportons-nous au séminaire que Pierre Bruno et Marie-Jean Sauret ont tenu, il y a quelques années (2006/2007 plus exactement) à Toulouse sous l’intitulé Ego et moi que j’engage vivement ceux qui ne l’auraient pas encore lu à le faire. Il a été publié aux éditions Erès dans le livre intitulé Du divin au divan4. Ils y ont avancé une thèse qui me semble très nouvelle et qui m’a éclairée sur une énigme qui me poursuivait depuis longtemps : pourquoi Lacan avait-t-il nommé en 1976 dans son séminaire consacré au sinthome, le quatrième rond qui venait réparer l’erreur du nœud de Joyce, « l’ego ». Jusque-là, je dois dire que je n’avais jamais différencié l’ego et le moi. Or, alors que Lacan avait isolé ce moment clinique décisif pour Joyce, dans son enfance, celui de la râclée mémorable qu’il avait subi de la part de ses camarades où il s’était littéralement détaché de son corps qu’il avait senti tomber telle une pelure d’oignon, une question ne cessait de me tarauder : mais alors, l’ego pouvait-il être un moi sans corps ? J’y perdais mon latin quand je savais que, du stade du miroir à la topologie des nœuds, Lacan avait toujours soutenu l’identification du rond de l’Imaginaire au corps, et le moi comme prenant sa racine dans l’image spéculaire, même formatée par les idéaux symboliques de l’Autre ? Pierre et Marie-Jean nous ont proposé dans ce séminaire une réponse audacieuse en rapprochant « le premier Freud » du « dernier Lacan » comme on dit souvent entre nous. Je vous ai déjà dit mes réserves sur cette habitude. Ils ont donc avancé la thèse que le moi-réel (le Real-ich) freudien, ce moi initial, préalable à la distinction moi/non-moi, serait rien moins que le radical du symptôme bien avant que d’être le moi idéal (l’Ideal-ich), celui dont Lacan reconstruit la génèse dans son stade du miroir comme formation du Je. En effet, Freud fait l’hypothèse d’un moi-réalité initial qu’il définit comme autoérotique c’est-à-dire qui n’aime que soi, parce qu’il précèderait la distinction moi/non-moi. Remarquons que ce moi premier ne doit pas être confondu avec le narcissisme primaire au sens d’une fusion initiale entre le sujet et l’Autre. Au contraire, ce moi premier, un peu énigmatique il faut bien l’avouer, serait investi, selon Freud, d’un amour « Das lieben ». Pierre Bruno avance que cet amour ne serait pensable que sur la base d’un échec originaire du bébé à jouir de l’Autre, plus exactement à jouir comme corps de l’Autre. Il est important de préciser que ce que Lacan nomme le corps de l’Autre n’est pas le corps de la mère de Mélanie Klein qui est un corps imaginaire, mais le corps du symbolique comme lieu du signifiant. Corps étant pris alors dans une acception telle qu’on dit un corps d’armée par exemple. On ne peut concevoir cet amour que comme le moyen de venir pallier, à l’origine, le non-rapport sexuel et ce premier moi, comme premier symptôme de l’infans, c’est-à-dire premier refus à être joui par l’Autre, équivalent à premier refus d’être parlé par l’Autre. Pourquoi ? En fait, cet aimer vient à la place justement de l’impossible du narcissisme primaire, c’est-à-dire de l’impossible d’une fusion heureuse entre le sujet et son objet. En effet, on ne peut parler de narcissisme que lorsque le moi est constitué comme objet. Or, la question que se pose Freud, à savoir ce qui manque à l’autoérotisme pour donner forme au narcissisme, ne trouve sa réponse qu’avec Lacan : il y faut un détour par l’Autre, c’est-à-dire par le symbolique. C’est ce qui permet à Lacan de dire que le narcissisme ne peut jamais être primaire mais est forcément secondaire. Cela réhabilite singulièrement l’instance du moi que les émules de Lacan ont tendance souvent à cantonner dans le registre péjoratif d’une fiction. Ce serait en tant que condensateur d’amour que le moi adviendrait comme symptôme, suppléance par l’amour à l’inexistence du rapport sexuel. Situer ainsi le moi du côté du symptôme et pas seulement du côté d’une instance de méconnaissance imaginaire qui résulte du stade du miroir, jette un autre éclairage sur ce qui constitue la somme des identifications du sujet. Ce moi-réel initial, fragile produit de « l’aimer », ne relèverait pas de l’être mais lui ek-sisterait et trouverait son image dans le miroir de l’Autre, seule façon pour lui de nouer le réel qu’il est, à l’imaginaire et au symbolique. On sait les affres que connait le schizophrène chez qui le rond de l’imaginaire n’est pas noué aux deux autres, des phénomènes de dépersonnalisation à l’éclatement de son monde. Car il ne faut pas perdre de vue qu’il n’y a pas de monde sans moi. C’est cet échec du narcissisme que Joyce évite grâce à son art d’écrire qui constitue pour Lacan son sinthome qui est ce quatrième rond qui vient réparer l’erreur du nœud en nouant le rond de l’Imaginaire qui avait tendance à foutre le camp (c’est ce que révélait son expérience subjective de cette râclée dont je vous ai parlée), aux deux autres ronds du Réel et du Symbolique qui étaient enlacés, ce qui ne permettait pas un nouage borroméen. Et c’est bien ce rond du sinthome que Lacan nomme « ego ».

L’amour, le fantasme, le symptôme, tous les trois viennent pallier le rapport sexuel qu’il n’y a pas. Essayons de les articuler.

Reprenons comment Lacan envisage tout d’abord la construction du narcissisme, soit l’érection de l’image où le sujet se précipite dans une identification primaire. On s’aperçoit au fil de son élaboration que la chose est plus complexe qu’il n’y parait. En effet, Lacan met en tension deux champs bien distincts (vous allez voir que c’est une façon plus tardive de reprendre les deux axes de l’imaginaire et du symbolique de son schéma L dont je vous ai déjà parlés), le champ narcissique où le moi et l’objet d’amour se mirent l’un dans l’autre et peuvent être interchangeables, et le champ pulsionnel où la circularité de la pulsion montre dans son intervalle une béance où se loge l’objet de la séparation, l’objet petit a du fantasme qui est un objet non spécularisable, c’est-à-dire invisible dans le miroir. Lacan dit d’ailleurs explicitement que c’est la raison qui l’a amené à abandonner le schéma optique, car il ne pouvait y loger l’objet petit a insaisissable aussi bien par l’image que par le symbole, d’où son statut d’objet réel. Si l’aliénation du sujet au champ de l’Autre suffit à rendre compte du plan narcissique et des identifications idéales de la personne, la séparation, par l’extraction de l’objet du fantasme, est exigible pour définir une identification bien différente. Dans le fantasme, le sujet s’identifie à cette part perdue de lui-même qui échappe à la chaîne signifiante mais qui constitue sa véritable doublure, à ceci près que le sujet répugne à se reconnaître dans ce rebut, cet objet a, ce reste de sa prise dans le signifiant. Du coup, on peut dire que les identifications idéales du sujet dans lesquelles il peut aussi bien se plaire que se déplaire au gré de l’Idéal du moi, viennent habiller son identification au seul objet qu’il est, sans pouvoir s’y reconnaître, cet « incorporel » qui résulte de la première identification freudienne que Lacan a reprise dans Radiophonie sous l’égide de l’incorporation du corps du symbolique. Mais c’est là toute la complexité, car rappelons-nous que cette première identification est pour Freud une identification cannibalique au père sous-tendue par l’amour, avant tout investissement de l’objet maternel. C’est ce qui fait dire à Lacan dans le séminaire XI, « l’amour, c’est du miam-miam ». Et on voit bien que si Lacan a insisté dans un premier temps sur le caractère éminemment narcissique de l’amour, il en découvre de plus en plus au fil du temps sa composante symbolique, puis réelle, je veux dire, liée au réel. L’autre idée que nous pouvons relever, consiste à repérer qu’à partir du moment où Lacan se consacre à la topologie des nœuds, l’objet petit a passe au second plan et le symptôme vient au-devant de la scène puisqu’il a cette fonction éminente de nouer les trois consistances RSI qui fondent le psychisme et assure le réel du nœud. Gardons à l’esprit qu’à ce moment-là le sujet, pour lui, devient le réel du nœud. L’objet a dans cette logique borroméenne n’est plus alors que le résultat de ce nouage au point du coinçage des quatre ronds. Dans cette optique, c’est du symptôme que dépend la constitution de l’objet a. Ceci soulève la difficile question du statut de l’objet a dans la psychose où le nouage est souvent plus problématique. Rappelons que le symptôme a en outre une fonction de nomination du symbolique dans le dédoublement symptôme-symbole et par là-même, constitue la seule façon de distinguer les trois registres RSI.

Pour conclure, nous pourrions avancer que le symptôme a pour fonction d’assurer l’existence du sujet dans sa nouvelle définition par Lacan de réel du nœud. Il n’y parvient que lorsqu’il atteint au sinthome, c’est-à-dire qu’il réussit dans cette fonction où il préserve la singularité du sujet qui échappe, pour une part, à l’universel engendré par le symbolique. C’est le fameux mè pantes5 qui est l’opposition à l’universel pan, écarté par Aristote, le « mais pas ça », « tout, mais pas ça » dont Lacan fait la pointe du sinthome qui présentifie le sin qui veut dire en anglais le péché, le faux-pas originel initié par Eve, la mère des vivants. Le symptôme est un principe de séparation d’avec l’Autre car il identifie la jouissance du sujet tout en le séparant de la jouissance de l’Autre. Ceci nous permet une piste de compréhension sur le dernier mot de Lacan sur la fin de la cure : l’identification au symptôme seul garant de la non résorption du sujet dans le symbolique.

————————-

1 J. Lacan, Séminaire Livre I, « Les écrits techniques de Freud » (1953-1954), Paris, Seuil, 1975.

p. 22.

2 J. Lacan, Ecrits, « Variations de la cure-type », Paris, Seuil, Le champ freudien, 1966, pp. 323-362.

3 Idem, pp. 341-342.

4 P. BRUNO et M-J. SAURET, Du divin au divan, 2014, Ed. Erès, pp.107-251.

5 J. Lacan, Le séminaire Livre XXIII, « Le sinthome », 1975-1976, Paris, Seuil, 2005, pp. 12-15.

Tag:Clinique, Identification, Rencontres du Pari à Toulouse, Symptôme, Théorie

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