TEXTES PRÉLIMINAIRES À LA FONDATION DU PARI DE LACAN

L’association Le pari de Lacan est une association de psychanalyse fondée le 4 février 2017 dans la suite de l’expérience de l’Association de Psychanalyse Jacques Lacan (APJL).

Vous trouverez ci-dessous les textes essentiels qui ont ponctué les débats, et conduit à la création du Pari de Lacan.

« Pour revenir à nos moutons, la tâche, c’est la psychanalyse. L’acte, c’est ce par quoi le psychanalyste se commet à en répondre » (Lacan, 1967).

Chers collègues,

Dans la lettre du 23 janvier 2002 où nous annoncions la création de l’APJL, nous écrivions : « Pour ce qui est de la passe, elle n’a pas à être administrativement encadrée, ou standardisée, pas plus que la cure elle-même ». Nous avons ainsi évité de mettre en place un collège de la passe, qui aurait introduit une ségrégation à l’intérieur de notre association, et le secrétariat de la passe n’a pas introduit une sélection à l’entrée des candidats à la passe, qui aurait préjugé de l’expérience et empiété en définitive sur la fonctions des passeurs et la souveraineté du cartel.

D’autre part, pour tenir compte de ce que la dissolution avait eu comme conséquence d’une multiplication, essaimage pourquoi pas heureux, s’il ne générait aucun esprit de corps, des écoles et associations se réclamant de Lacan, il nous avait paru nécessaire d’envisager la présence de « deux psychanalystes extérieurs à l’association » dans le cartel ou jury. En définitive, nous nous en sommes tenus à un.

Treize ans après, il ne nous semble pas nécessaire de revenir sur cette orientation et ces dispositions. Par contre, si nous ne voulons pas faire l’impasse sur l’expérience (qui a offert à chaque passant, nommé ou pas, un regard neuf sur sa cure), nous avons à nous interroger sur la façon de conserver à l’expérience sa fraîcheur, son allant et ce qu’elle a pu déjà apporter au savoir analytique et au savoir de chacun, qui ne vaut que de s’inscrire en défaut d’une omnitude de la vérité. Une question, de façon prioritaire, nous a paru requérir un éclairage moins flou, à savoir « qu’est-ce qu’un A.E. ? »

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Plus de quatre ans avant sa « Proposition du 9 octobre 1967 sur le psychanalyste de l’ Ecole », Lacan s’adresse ainsi au public de son séminaire annuel : « Il est essentiel de différencier l’angoisse de castration de ce qui se maintient chez le sujet à la fin d’une analyse, et que Freud désigne comme la menace de castration. C’est là un point dépassable. Il n’est absolument pas nécessaire que le sujet reste suspendu, quand il est mâle, à la menace de castration, et quand il est de l’autre sexe, au Penisneid » (leçon du 13 mars 1963, L’angoisse). Sans doute pourrait-on trouver d’autres textes précurseurs de ce pas en avant dans la psychanalyse, qui découle d’une refonte du savoir sur la sexualité féminine, mais celui-ci suffit à indiquer la direction : à l’encontre du suspens freudien, Lacan fait valoir un au-delà de la menace de castration et cette proposition nouvelle trouvera son signifiant avec le mot de « passe ».

Quelques mois après, avec le rapport Turquet, Lacan est exclu de l’ International Psychoanalytic Association. Il renonce au séminaire prévu Les Noms-du-Père, et fonde en 1964 l’Ecole Freudienne de Paris, qu’on peut qualifier de contre-expérience, puisqu’il s’agit d’une école dont on peut attendre qu’elle réponde à la fois aux exigences d’une direction de la cure qui permette cet au-delà du suspens freudien, aux exigences de formation d’analystes à la hauteur de ce nouvel horizon, et enfin dont la forme associative ne soit pas celle « d’une vieille société de maîtres ».

La Proposition surgit, pas immédiatement, dans ce contexte, et doit se lire selon cette double polarité : d’une part, un effort épistémique extraordinaire pour exposer les coordonnées d’une cure qui franchirait l’Achéron freudien , la procédure de la passe étant proposée pour vérifier, dans une expérience distincte de la cure et indépendante du ou des psychanalyste(s) qui l’a conduite, que l’autre rive a été atteinte ; d’autre part, la mise en place de titres censés garantir la formation de ce « nouveau » psychanalyste, dit « de l’Ecole ». Précisons : garantir la formation ne veut pas dire garantir le psychanalyste, ni sa pratique, encore moins la cure. Lacan retient deux titres : Analyste membre de l’Ecole (A.M.E.), et Analyste de l’Ecole (A.E.). Avec la passe, précisera Lacan un peu plus tard, en janvier 1969, il s’agit d’échapper au « pèse-personne » de la cooptation.

Cette double polarité, que l’histoire et peut-être la psychanalyse elle-même, a rendu incontournable, n’a pas été, et n’est pas, sans susciter un embarras. Si la passe, qu’elle ait été conclue ou non par une nomination d’A.E., a plus que validé le dépassement de la position freudienne sur la fin et constitue une expérience sans précédent, grâce à laquelle l’assise du sujet dans le réel se trouve changée ou au moins ébranlée, le réquisit d’un jugement, nomination ou pas, induit cet embarras parce qu’à juste titre, ce jugement ne porte pas sur une effigie, une performance, une compétence ou ce qu’on voudra, mais sur un sujet vivant, porteur d’un nom. Certains ont, pour lever cet embarras, gardé l’expérience et renoncé au jugement, mais, c’est en tout cas la position de l’APJL, l’expérience n’est –elle pas mutilée de se trouver sans enjeu réel, c’est à dire sans réponse à la question : y a t-il eu ou non passe? Or, cet embarras, inéliminable, est ce devant quoi nous ne devons pas reculer, sachant que c’est « le maximum de la difficulté atteinte ».

L’A.E. donc. Nous rappelons que nous avons précisé « dans l’Association de Psychanalyse Jacques Lacan », pour ne pas élider le nom de l’association dans laquelle l’expérience a lieu. Référons-nous à cette double polarité. 1) Le point fondamental se corrèle à la question : le témoignage de passe permet-il de savoir à partir de quoi le passant opère en tant qu‘analyste, ou, pour ne pas rabattre cette question au plan professionnel, qu’en est-il du désir de l’analyste, de son émergence, de sa modalité, de sa raison ? Le cartel ou jury n’est pas démuni dans son épreuve de jugement, à condition de savoir utiliser les boussoles dont il dispose, « désir impur », « rebut », et surtout s’il sait ne pas chercher l’analyste, mais de l’analyste. Il est d’ailleurs souvent arrivé qu’une décision de nomination s’impose pratiquement sans débat quand le cartel a entendu une phrase du passant transmise par le passeur, éclairant de façon inédite le moment de franchissement qui ouvre à l’analysant, à terme plus ou moins rapproché, l’issue d’une conclusion dont on peut alors faire le pari qu’elle aura lieu. A cet égard, la relation entre un tel franchissement avéré dans la cure ( y compris par l’analyste) et la capacité du passant à le transmettre, reste à élucider : la capacité à transmettre n’est-elle pas un élément décisif de la probation de ce franchissement ? Dans ce cas, un gain de savoir pour la psychanalyse en résulte directement. 2) Reste l’autre dimension : l’A.E. doit devenir l’analyste de son « expérience même », celle-ci ayant pour antécédent, de façon avérée, l’Ecole. Autrement dit, il est attendu d’un A.E. qu’il soit acteur, dans l’association qu’il a choisie, et dont on présume qu’il sait pourquoi il l’a choisie, de la construction toujours renouvelée d’une association fonctionnant sous le primat (non exclusif donc, puisque une association, par définition, fait une certaine place au discours du maître) du discours analytique. A bas bruit, c’est cette question qui anime de façon récurrente nos débats sur le rôle et la pratique des C.A. successifs.

La citation clef qui a présidé à la création de l’APJL reste la même : « La satisfaction du sujet trouve à se réaliser dans la satisfaction de chacun, c’est à dire de tous ceux qu’elle s’associe dans une oeuvre humaine » (Lacan, 1956). C’est dire au mieux que l’APJL n’est ni un orphelinat, ni une pension de famille ni une colonie de vacances, ni un cabinet ministériel, ni une fabrique de promotions. Plutôt un laboratoire de campagne… Peut-être peut-elle s’orienter d’un quasi-impensable : sinon commencer par la dissolution, du moins ne jamais cesser d’en préserver l’enjeu.

Sur ce, voici nos propositions, qu’il faut lire comme un recommencement :

-Le passant nommé A.E., toujours pour un an*, n’est pas automatiquement membre, à terme, des cartels de la passe, et, s’il est choisi, après son acceptation, pour le devenir, ce ne peut être qu’après un an.

-Le cartel a la possibilité de désigner un passant comme passeur (cela a déjà été fait, mais mieux vaut le dire). Le passeur étant dit « la passe », être désigné comme tel n’est certainement pas anodin.

-Pour une période de trois ans, quatre cartels fixes sont désignés. Chaque cartel se compose de trois membres, plus une place vide a priori. Pour l’occuper, le cartel aura à choisir un quatrième membre, la seule condition étant que ce membre ait fait l’expérience de la passe, à l’APJL ou ailleurs. Cette fixation, et non pas fixité, des cartels, devrait être propice à un travail de doctrine plus soutenu. Une remarque en ce point : le cartel, si c’est un collectif, n’est pas un groupe. De ce fait, chacun de ses membres y est responsable, et lui seul, de son acte de jugement. Que cet acte soit analytique est la condition pour que le transfert du passant à la psychanalyse (quel que soit le jugement) ne soit pas atteint, mais au contraire relancé de la bonne façon, c’est à dire dans une perspective qui n’entretienne pas « le mirage de la vérité » (Lacan, 17 mai 1976).

-Le plus-Un est choisi à l’extérieur de l’APJL par les quatre membres du cartel.

-De même qu’un passant, qui n’a pas été nommé, peut se présenter de nouveau à la passe, si et quand il le juge opportun, rien n’interdit à un passant, nommé une fois A.E., de se présenter de nouveau à la passe s’il estime avoir un second dire à mettre à l’épreuve. Dans ce dernier cas, le cartel n’aura pas à le rejuger, mais à prendre acte.

Pour résumer, nous visons, quant aux trois points de fuite perspectifs évoqués par Lacan dans sa Proposition, à tenir bon sur le symbolique tout en dessinant sa limite (l’OEdipe), à contenir l’imaginaire sans en méconnaître la nécessité, à extraire l’enjeu réel de l’expérience sans en faire l’instrument d’aucun racisme.

Pour les trois ans qui viennent, la suite ayant à être déterminée une fois fait le bilan de ces trois années, et devant permettre en particulier l’élaboration d’une procédure de choix des membres des cartels indépendante de nos appréciations actuelles et conjoncturelles, fondées sur les points 1) et 2), nous proposons les cartels suivants, dont nous pensons que les membres correspondent « à ceux qui ont de l’acquis », bien que, certainement, ce dernier ensemble soit plus vaste. Mais il était impossible de retenir tous les membres actuels qui cependant pourront tous être choisis par ces nouveaux cartels, pour occuper la place quatrième, libre.

Cartel 1 : C. de B., P. L.-L., I. M.

Cartel 2 : P. B., S. D., J. P.

Cartel 3 : T. C., M. L., L. T.

Cartel 4 : J. M., E. R., M.-J. S.

D’autres propositions sont envisageables, concernant tant la question des passeurs que celle d’un éventuel séminaire des A.E., mais aussi bien des passants.

La nomination, bien entendu, ne peut être effacée, mais au bout d’un an, le passant

nommé ne peut faire état de ce titre, notamment dans le répertoire.

Pierre Bruno, Isabelle Morin, Marie-Jean Sauret, le 18 septembre 2015.

«C’est que le désir n’est pas d’un côté»

Lacan, 1962.

Chers collègues,

Notre lettre a suscité surprise, soulagement, assentiment, enthousiasme ou, plus rarement, dépit, voire incompréhension.

Nous n’en attendions rien et n’en espérions pas moins.

L’enjeu : défaire le lien, gordien, que nous avions nous-mêmes noué, entre la nomination de l’A.E. et la désignation des membres des cartels de la passe. Il devrait en résulter une liberté retrouvée dans la nomination et un élan nouveau dans le travail de doctrine des cartels, jusqu’à maintenant assez ténu.

Il nous semble en effet nécessaire de renouer avec l’intuition initiale de Lacan concernant l’existence d’un au-delà de la menace de castration qui l’a conduit à inventer la passe, et de nous en tenir, pour la nomination d’A.E., à l’authentification des conséquences de cet au-delà pour l’acte de l’analyste. On peut avancer – à condition de ne pas faire de cette proposition un nouvel évangile – qu’un tel franchissement libère le sujet de la jouissance du doute que l’Autre pourrait ne pas exister, jouissance qui cimente le fantasme, en premier lieu celui d’un Autre de l’Autre. Ce doute, c’est ce qu’on appelle mélancolie ou, plus médiatiquement, dépression, et il est salubre de ne pas en rester là pour se défaire de l’allégeance à Thanatos, c’est à dire au symbolique sans réel. Sans ce pas, pas de désir d’analyste, c’est à dire pas d’acte possible, dans la mesure où l’acte surgit de l’écart propice à éclairer que le consentement au réel de l’Autre ne se gagne qu’à partir d’une « insondable décision» du sujet.

S’il y a nomination, le pari est fait que le dit A.E. sera sur la brèche d’une incessante attention au fonctionnement associatif pour le soustraire à la pente bureaucratique, et qu’il sera vecteur d’un gain de savoir dans la psychanalyse.

N’oublions cependant pas que, quel que soit le bouleversement qu’une expérience de passe peut produire, tant quelquefois pour dissiper la face obscurantiste du transfert que pour donner au sicut palea une concrétisation dans la direction de la cure, le dernier mot revient à la cure.

Il y a, pour qui ne l’aurait pas noté, deux parties dans notre lettre : une analyse et des propositions. Chacun pourra dire sa position sur l’une et sur les autres.

Nous souhaitons que notre lettre, qui dit notre propre position, soit prise en compte de telle sorte que, dans la conjoncture actuelle de l’APJL, notre association aille de l’avant – à savoir réussisse à « faire école ».

Si c’est le cas, dans trois ans, les leçons seront à tirer de l’expérience modifiée. Il faudra inventer et mettre en place une procédure aussi affine que possible à une logique collective pour la désignation des membres des cartels. Nous avons pu mesurer, dans les Assises II de l’APJL, les apories de cette logique, liées en premier lieu à l’absence d’homogénéité temporelle entre les acteurs, mais ce constat ne doit pas rendre vain notre effort pour inventer une fiction politique susceptible de satisfaire aux exigences du discours analytique.

Nous n’interviendrons plus alors dans cette désignation. Nous en avons, cette fois, pris la responsabilité, pour ne pas, dans le débat à venir du 17 janvier 2016, retarder la confrontation à l’enjeu, ou s’en détourner, par une discussion générale sur les personnes, sachant par ailleurs que la quatrième place libre permet à tout membre actuel des cartels, sans exception, d’être choisi pour opérer dans la procédure.

Cordialement

Pierre Bruno, Isabelle Morin, Marie-Jean Sauret. Le 5 novembre 2015.

« Soyons enfin clairs » Henri Michaux.

Chers associés,

Notre lettre du 18 septembre 2015 comporte une proposition claire: le découplage entre l’AE et le membre du cartel de la passe. Nous avons argumenté cette proposition. Elle rompt avec l’équation que nous avions posée au départ de l’expérience, en 2003, équation qui à notre insu entraînait la pérennisation de l’AE sous une autre dénomination, le risque de constituer une caste des AE, ex ou pas, celui de produire une transmission qui, à terme, aurait aligné les nouvelles nominations sur les anciennes, en compromettant la poursuite du nécessaire questionnement quant à la finalité même de la procédure, la nomination d’un AE. De la proposition d’octobre 1967 à ses propos acerbes, après la dissolution, sur les AE qu’il avait lui même nommés pour constituer le jury de la passe, en passant par sa note italienne et son intervention au congrès de Deauville sur la passe, Lacan n’a cessé de s’interroger sur ce qu’il avait inventé. Notre proposition vise à essayer de se montrer à la hauteur de cette liberté et à éviter toute routine.

Pour que cette proposition soit applicable il fallait, dans les faits, opérer ce découplage et former de nouveaux cartels, en veillant aussi, dans cette configuration nouvelle, à favoriser un travail assidu des membres des cartels pour rendre compte de leur expérience et à permettre que, dans la proportion de un sur quatre, puisse figurer dans chaque cartel quiconque avait été passant. Pour désigner des collègues, auxquels cette tâche était proposée, nous avons choisi le mode de la cooptation par nous. Marie-Jean Sauret s’est expliqué sur l’exigence de ne pas forclore cette filiation, dont nous n’avons jamais abusé et très rarement usé. Sans notre initiative du 23 janvier 2002 (lire notre lettre dans le répertoire), il n’y aurait pas d’APJL.

Une première réunion des membres des cartels de la passe, avec le Secrétariat d’alors et le CA, s’est tenue le 26 septembre. Notre proposition a été accueillie avec « enthousiasme » « soulagement » « assentiment » par beaucoup, la majorité. Quelques collègues ont marqué, avec plus ou moins de vivacité, leur réticence sur le mode de composition des nouveaux cartels. Une proposition alternative a été faite par Armando Lopez, sans écho sur le moment. En conclusion, une réunion de tous les membres de l’APJL, sous forme d’Assemblée plénière, a été décidée, pour se prononcer sur notre proposition, avant l’Assemblée générale prévue le 13 mars, et afin que celle-ci sache sur quelle base elle allait travailler.

L’assemblée plénière a eu lieu le 17 janvier à Paris, à l’invitation du Secrétariat de la passe et du CA. Nous n’avons pas besoin d’en rendre compte, puisque qu’un verbatim impeccable en a été fait. Il ne laisse aucun doute sur la conclusion de cette assemblée. Notre proposition a été approuvée à l’unanimité moins deux abstentions, y compris par ceux des présents qui avaient gardé une certaine réticence quant au mode de composition des cartels inclus dans notre proposition. Personne ne peut dire que les votants ont été conduits à cette réunion sous la menace de soldats armés. Nous n’avions pas nous-mêmes demandé un vote, parce que notre préférence allait à un consentement ou à un refus argumenté dans l’Assemblée elle-même, mais certains collègues, excédés par les tentatives qui avaient déjà commencé pour empêcher que l’Assemblée se prononce, ont demandé un vote, heureusement peut-on dire après coup.

Par souci de ne pas aboutir , devant le déchaînement ( quel autre mot utiliser?) de Balbino Bautista, à la rupture du lien associatif, ne serait-ce que pour un seul, Pierre Bruno a demandé que l’Assemblée générale commence sa session par un vote pour confirmer ou désavouer notre proposition. B. Bautista a refusé. Dès lors, cette demande est caduque, comme l’a souligné le dernier message du nouveau Secrétariat de la passe (dont la légitimité avait d’ailleurs été rejetée dans un mail par

B. Bautista). Les cartels sont déjà mis en place selon la composition que nous avons proposée et un au moins se sera peut-être réuni d’ici le 13 mars.

Pourquoi donc cette quatrième lettre? Deux choses nous laissent perplexes:

-L’accueil enthousiaste fait au dernier message du nouveau Secrétariat de la passe par la poignée de ceux et celles qui ont soutenu sans jamais sourciller B. Bautista, et quelquefois avec un ton haineux contre ceux qui ne suivaient pas. Notre perplexité sera levée si ces collègues, avant l’AG du 13 mars prochain, disent clairement qu’ils approuvent désormais notre lettre du 18 septembre -avec bien entendu la suite à laquelle nous nous sommes engagés, à savoir la mise au travail, y compris dans l’année qui vient, des propositions alternatives sur la composition des cartels (notamment la modalité du tirage au sort). Si l’expérience impose un changement, il peut avoir lieu même avant les trois ans échus. -Le silence assourdissant du CA, qui n’a rien fait pour stopper ou modérer la farandole obscène que nous avons eu à subir sur la toile, recouvrant le débat de fond. Qui n’a rien fait non plus pour prendre acte de la conclusion de la plénière du 17 janvier. A ce jour, un seul communiqué, patelin.

En créant l’APJL nous avons voulu une association non pyramidale, dans laquelle le transfert ne soit pas manipulé à des fins de pouvoir. Nous avons réussi au delà de nos espérances, mais nous voulons lever un malentendu dont la persistance serait un coup fatal pour la psychanalyse à laquelle nous nous référons. Une association ne peut vivre sans transfert, et la liquidation de celui-ci par un analyste universel nous déporterait hors des frontières freudiennes, où nous n’irons pas. Le moment venu, s’il vient, nous dirons aussi pourquoi notre proposition est incompatible avec le tirage au sort, et pourquoi celui-ci va à l’encontre de la distinction fondamentale, que nous tenons de Lacan, mais qui est déjà chez Freud, entre réel et réalité. Il y a d’ailleurs une continuité entre la liquidation du transfert et le tirage au sort : pas de choix à faire.

Nous espérons enfin ne pas faire l’expérience d’une association dans laquelle un vote unanime en plénière serait tenu pour nul et non avenu, même pour confirmer l’assertion de Lacan selon laquelle « l’expérience ne s’imagine pas à l’avance ».

Bien cordialement, Pierre Bruno, Isabelle Morin, Marie-Jean Sauret, le mercredi 3 février 2016.

Une question simple et des conséquences graves …

Depuis quelques mois les listes sont saturées de messages d’une dizaine de membres sur 235. Je me demande comment ces quelques-uns ne s’aperçoivent pas qu’ils ont réduit au silence ceux qui ne demandent qu’à participer au travail et au savoir de la psychanalyse ? Les réponses en salve de mitraillette, sans discontinuer, dans le registre du pulsionnel, ne laissent aucun espoir pour s’inscrire dans le discours analytique. Cette petite dizaine a bâillonné l’association de telle sorte que personne n’ose intervenir, sachant ce que cela va déclencher.

Ne nous leurrons pas, la liste ne permet plus aucun débat sur les questions de psychanalyse, c’est une prise en otage de chacun de nous, accompagnée d’une volonté de destruction manifeste. Elle est devenue le Facebook de la psychanalyse et les soi-disant débats sont des discussions de comptoir où les ego sont au premier plan.

Certains membres ont déjà déploré ce harcèlement continuel sur la liste : pas un blanc, pas un silence qui permettraient de penser. Le peu de réponses à leurs messages signe bien que la parole a été muselée. De quel côté est l’aveuglement et la surdité ? Cet état de fait repose sans doute sur une certitude, une interprétation méfiante qui par projection, fait du transfert un pouvoir.

Pour ma part, je ne reconnais pas l’APJL que nous avons souhaitée et ce qu’elle devient qui n’est certainement pas ce que nous avons voulu. Nous l’avons créé avec l’idée que la psychanalyse méritait une autre façon de traiter le transfert, (Je réponds à cette question de la méfiance envers le transfert dans Briques et tuiles n° 11).

Prenons maintenant notre part de responsabilité : nous avons créé l’APJL, Pierre Bruno, Marie Jean Sauret et moi-même, avec une orientation ferme de ne pas instrumentaliser le transfert. Il me semble, dans l’après coup, que notre souhait de ne pas tomber dans ce travers de beaucoup d’institutions, nous a conduit à ne pas assumer suffisamment la responsabilité qui nous incombait d’orienter l’association, pensant avec optimisme que chacun s’orienterait de son rapport à la psychanalyse. C’était ne pas compter sur le point où chacun en est, en particulier du traitement de sa jouissance. Bien sûr nous avons orienté à notre façon : par le travail de recherche effectué avec quelques autres, par la logique collective mise en œuvre dans les nombreuses réunions de membres, par les décisions prises, mais sans doute trop «timidement, en laissant croire que le bateau pouvait naviguer au souffle du vent, sans avoir à redresser la barre. C’est ce que nous avons fait pour la première fois en septembre 2015, mais un peu tard dans doute, avec notre lettre sur la passe, ce que certains nous ont reproché, considérant que c’était un abus de pouvoir. Erreur « d’angélisme » de notre part, Saint Jean bouche d’or n’en aurait pas moins fait.

La dimension « libertaire » de l’APJL est à interroger parce que d’une part elle ne tient aucunement compte de la castration et d’autre part parce qu’elle annule la responsabilité de chacun. Le «sans restriction» n’est pas la liberté. La psychanalyse nous ouvre à une autre dimension de la liberté ; celle de désirer et de penser, qui n’est pas « un sans limite » mais une ouverture qui redonne au sujet sa responsabilité, « seul dans son rapport à la psychanalyse ».

Nous avons tenté une expérience difficile, j’en suis personnellement fière, quoi qu’il se passe. Elle devrait nous permettre d’avancer sur les questions cruciales pour la psychanalyse. Notre optimisme portait sur le fait que l’on pouvait avancer ensemble, grâce au pari de la logique collective. Or le ton qu’a pris la liste avec les insultes et les réponses « à tout va », ne permet plus cet optimisme.

En me repenchant sur notre acte fondateur, si chacun veut se rafraichir la mémoire il peut relire le texte publié dans le n°1, p 43-67, de PSYCHANALYSE. Je prélève juste trois points : P.Bruno disait qu’il fallait voir comment on pouvait « penser les choses au-delà de la démocratie ». MJ .Sauret souhaitait «que l’on constitue une association au service du discours analytique» et je disais que nous souhaitions une association sans leader », ce qui ne veut pas dire sans transfert. Il s’agit d’entendre que ceux qui veillent à la dimension analytique et à son discours, ne sont pas des leaders. C’est de la responsabilité de chacun de ne pas transformer celui ou ceux qui portent le transfert en chef de clan.

L’image que donne la liste, avec ces mails haineux, parfois insultants ou ironique et cet embargo de quelques-uns, ce n’est pas celle de l’association que nous avons voulue pour loger la psychanalyse.

Le sens des responsabilités que chacun devrait d’avoir, au regard de l’association qu’il a choisi, nécessite a minima de se soucier de l’image donnée aux 735 inscrits sur la liste élargie.

En tout état de cause, il devient nécessaire d’ouvrir une perspective nouvelle.

Isabelle Morin, 13 novembre 2016

Chers collègues,

L’APJL est sans doute un succès et son rayonnement doit tout à l’engagement de ses membres. Je ne parle pas seulement de l’expérience de la passe qui, accidentée comme il se doit, a été pour tous les passants, nommés ou non, une traversée dont je suppose qu’elle a modifié leur rapport à la pratique analytique, ni des manifestations diverses et originales où des voix ont pu se faire entendre qui n’ont pas été sans produire un gain de savoir. Cela ne suffit plus. L’APJL est un succès dans la mesure même où son expérience, qui s’est déployée à partir du pari, des orientations et des principes voulus par ses trois créateurs (Pierre Bruno, Isabelle Morin, Marie-Jean Sauret) permet aujourd’hui d’identifier et son échec et son impasse sur deux points cruciaux :

L’échec : il tient à la difficulté de « faire école », malgré la production de travaux et de livres dont nous pensons qu’ils laisseront une trace. Cette difficulté est liée à une conception aseptisée du transfert qui, peut-être en raison de la crainte d’une instrumentalisation institutionnelle de celui-ci, mais pas seulement, aboutit à effacer les noms propres, effacement qui caractérise le discours universitaire et à laisser en jachère les thèses nouvelles et décisives (cf. sur ce point le Briques et tuiles n°11 d’Isabelle Morin).

L’impasse : selon le principe des « affinités électives » j’ai discuté avec quelques membres de notre association pour recueillir leur avis et essayer de définir une solution, une « perspective nouvelle », pour sortir du marigot dans lequel, à notre corps défendant, nous nous débattons sans débattre. A lire les messages de ces derniers mois sur les deux listes de diffusion, il en ressort une image de la psychanalyse et des psychanalystes telle que, si les auteurs du livre noir de la psychanalyse avaient l’intention de publier un second tome, ils n’auraient qu’à publier un florilège de ces listes depuis l’automne 2015 pour apporter la preuve difficilement contestable que la psychanalyse est une imposture et les psychanalystes des potaches de l’inconscient.

Automne 2015 : le 18 septembre nous avons estimé nécessaire, après plus de treize ans de silence et de discrétion, de faire des propositions concernant une régénération de la procédure et des cartels de la passe. Ces propositions ont fait l’objet d’un premier vote approbatif (40 pour et deux absentions), puis d’une confirmation dans l’assemblée générale qui a suivi. Nous avions pris la peine, dans trois lettres successives d’expliquer les raisons de nos propositions et ce n’est pas nous qui avions demandé un vote, parce que nous pensions qu’il aurait mieux valu se mettre d’accord en prenant acte du fait que, dans l’association, seule une infime minorité était contre. Une page avait alors été, semble t-il, tournée, y compris par quelques-uns de ceux qui avaient, au départ, légitimement émis des objections.

Il est question de liberté, mais, sans faire allégeance à Saint-Just, qui ne voit que, dans le fonctionnement actuel, presque tous sont privés de la liberté de parole et sont de surcroît tenus de boire les paroles d’une poignée au point d’être tacitement menacés d’exclusion s’il arrivait à l’un d’entre eux de dire : « Assez. Je n’ai plus soif. » Veut-on légaliser dans l’APJL le supplice de l’entonnoir ?

Je fais des erreurs. Je ferai des erreurs, chacun et chacune itou. Mais j’ai une boussole qui est de me compter non pas le seul mais un seul dans ma pratique analytique. Ce que je dis en est extrait et, en ce sens il y a au moins une logique collective, celle pour un analyste de pouvoir compter sur ses analysants pour le guider dans la direction qu’il assume de leur cure. Or, sur les deux listes de diffusion, tout rapport avec la psychanalyse est désormais fortuit et le hasard n’est pas vraiment, en ce qui concerne la psychanalyse, bienveillant, parce que la résistance, dans les voies humaines nouvelles que nous tentons de frayer est, c’est un fait, d’une probabilité absolue.

Aux quelques-uns, qui se sont manifestés, publiquement sur les listes de diffusion, ou en privé, pour refuser ce climat toxique et délétère qui s’est donné à voir sur les deux listes, nous allons proposer de tenir très prochainement une réunion, pour envisager un double objectif : la création d’une nouvelle association de psychanalyse ; la demande d’une dissolution statutaire de l’APJL (qui requiert l’approbation « d’une moitié plus un des présents à l’assemblée générale » (article 15). Au delà de la conjoncture actuelle que je viens d’évoquer, il me semble que le choix de la dissolution est le meilleur pour redonner un nouvel élan à l’expérience engagée en 2002, voire même la meilleure façon de rendre hommage à cette expérience qui nous a tous, sans nul doute, instruits.

Nous écrirons, à plusieurs et avec le concours ensuite de ceux qui voudront y participer sans arrière-pensée une charte qui portera une attention particulière sur trois points : le faire école ; la passe et la question non-résolue par Lacan sur la production d’un analyste ; le fonctionnement qui convient à une association de psychanalyse, en tenant compte de « ce qui ne s’imagine pas ».

Dans un second temps, nous inviterons à une assemblée constituante dès le début 2017, avec un appel à l’adhésion aussi bien en direction des membres de l’APJL que de ceux et celles qui n’en sont actuellement pas, sachant que l’acceptation de la candidature à l’adhésion se fera selon le principe de la tuile (lire là dessus le livre II de la Physique d’Aristote ) c’est à dire de la tuché et non de l’automaton.

Pierre Bruno, le 14 novembre 2016.

Cher(e)s collègues,

Et, pour certain(e)s que je connais mieux, cher(e)s ami(e)s,

1 – A plusieurs reprises, ces temps-ci, j’ai participé à des journées d’études avec l’APJL. J’y ai vu une assistance diversement nombreuse et attentive, entendu une juste présentation de l’APJL, constaté la présence d’analystes et d’un public orientés habituellement par d’autres associations, écouté des interventions intéressantes suivies d’un débat nourri, et retenu des questions nouvelles. Je suis reparti, à chaque fois, avec l’idée que cela participait des raisons de la création de l’APJL. Est-ce le contraste avec ce qui se passe sur les listes qui me fait conclure moi aussi que cela n’est plus suffisant ?

En lisant la série de mails reçus ces derniers temps, sur la liste et en privé, je me dis que je ne peux pas d’un côté inviter à travailler avec l’APJL et de l’Autre participer à cet « étouffoir ». Je le dis, malgré la tentative courageuse de celles et ceux qui s’efforcent à la fois de référer les échanges au discours analytique et de parer les coups. Par rapport à ceux que j’ai invité à entrer dans l’APJL, j’avoue que j’ai, à certains moments, un sentiment de honte.

2 – Est-ce que le « débat sur le débat » (qui convoque des experts et des psychanalystes du débat, des spécialistes des associations et des institutions, etc.) sert la fabrication d’une association qui elle-même serve la psychanalyse ? Je ne le crois pas : a) d’une part ce débat ne nous centre pas autour de ce savoir dont les psychanalystes ne peuvent s’entretenir ; b) ensuite, si l’on prenait nos difficultés pour une preuve du « ne pas pouvoir s’en entretenir », il faudrait alors convenir que celui-ci revient dans le réel (certains l’ont qualifié de symptôme : ce serait alors un symptôme à la solde du démenti plutôt qu’une solution) ; b) enfin, ce débat se veut sans limite, de contenu et d’extension (on ne devrait pas pouvoir s’y soustraire) : comment alors y loger ce qui par définition lui échappe puisqu’il est dans son principe paranoïaque ?

3 – Je n’ai pas participé à la création de l’APJL parce qu’elle serait plus démocratique que les autres, plus accueillante, plus libertaire, ou idéale. Une telle conception conduit immanquablement à tenter de faire un collectif de semblables, une avant-garde éclairée qui participerait au communautarisme ambiant qu’elle condamne (il n’est que faux contre-feu à la logique de la globalisation qui le détermine)… J’ai opté pour la forme que nous avons tentée de donner à l’APJL parce que ceux qui la feraient fonctionner assureraient le minimum du discours du maître nécessaire à ce que chacun, eux compris, puissent y intervenir ni comme coach, ni comme psychanalyste, ni comme expert, ni comme animateur, ni comme formateur, ni comme superviseur, etc., mais comme analysant.

C’est cette parole analysante qui est rendue difficile d’être interprétée à tout va, à rebours d’ailleurs de ce que l’on attend dans la cure, ainsi que Pierre Bruno l’a rappelé : comment parler quand le destinataire n’accuse réception que pour disqualifier le sujet et faire valoir sa propre proposition comme vraie et « universelle » ? Il y a des lieux pour cette forme de débat : la disputatio médiévale et, depuis, l’université, la formation permanente, etc. – soit le discours universitaire, qui a là ses lettres de noblesses.

Sur la liste, c’est souvent, malgré l’effort de quelques-uns, l’énonciation qui est disqualifiée parce que son auteur est accusé de maîtrise, voire finalement de ne pas respecter l’orthodoxie dont tel autre est garant. Pire, il est suspect de forfaiture, et ses mots sont parfois déconstruits et ridiculisés – du fait d’une logique qui entraîne chacun, y compris ceux qui s’efforcent de creuser une issue. L’éventuelle volonté de détruire, pour douloureuse qu’elle soit, est contingente. Je ne suis ainsi qu’à moitié surpris de l’insensibilité aux propos qui injurient parfois : un peu comme si le lecteur s’identifiait spontanément à l’auteur de « l’injure » et non à celui qui est ainsi visé – l’aurait-il mérité ? Où est donc passée notre « fraternité discrète » ?

Ces derniers temps, quelques-uns, annoncent leur désintérêt pour la liste dès lors qu’elle n’apporte aucune information pratique. Et de nombreux d’autres déclarent la lire avec curiosité : mais hormis cette curiosité qui, comme toute les curiosités tire sa force de l’intérêt pour ce qui se passe dans la chambre des parents, ils ne disent pas, et pour cause, ce qu’ils y voient sur le fond. Le mot « démembrement » (d’émembrement) est venu désigner l’effet de ceux qui se sortaient du « débat », créant de fait un en dehors. Est-il impossible de voir dans ce « désabonnement » un « d’écolage », celui-là même que Lacan mettait au principe de l’Ecole nouvelle qu’il appelait de ses voeux ? Le « bouchon » qui empêche le fonctionnement de l’APJL est contingent, mais l’APJL a peut être elle-même autorisé un tel bouchon : comment traiter cette possibilité sur le fond ? Une réponse : « dé-coller » !

4 – C’est pourquoi je trouve précieux, dans les messages d’Isabelle Morin et de Pierre Bruno, cette idée : prendre acte du succès et de l’échec de l’APJL pour tenter d’impulser, quelle que soit la conjoncture, une étape nouvelle – qui restaure la parole analysante, qui maintienne le vif de l’expérience de la passe. En ce sens la conjoncture s’avère heureuse de remettre à un collectif le soin de définir ce que peut être la nouvelle association, en permettant à Isabelle Morin, Pierre Bruno et moi-même de nous alléger d’avoir créé l’APJL.

Il reviendra à chacun, alors, plus clairement, d’avoir à assumer les conséquences de l’acte par lequel il s’associe. Telles sont les raisons pour lesquelles j’ai contribué à ce projet à la réalisation du quel je m’engage avec enthousiasme.

Il reste vrai que les associations de psychanalyse voient leurs membres essaimer quand les uns pensent que leur rapport à la psychanalyse est hypothéqué par le fonctionnement institutionnel : cette position n’est contestable par quiconque. Seulement, le réel qui divise les uns des autres court le risque de demeurer intraitable, ne se logeant ni chez ceux qui vont ici, ni chez ceux qui vont là : ce pourquoi nous avions voulu l’APJL supplémentaire – travailler avec les autres associations est une façon justement d’interroger ce qui nous divise. Nous redécouvrons aujourd’hui que le « décollage » est aussi nécessaire que le « supplémentaire » à la logique collective. Ce « décollage » est d’autant plus exigé que ne pas faire le pas que l’un pense devoir faire vers la sortie (cf. l’apologue des trois prisonniers) entretiendra la débilité ambiante et empêchera dès lors à quiconque de fournir la solution qui autorise sa propre sortie.

Très cordialement :

Toulouse le 16 novembre 2016, Marie-Jean Sauret

Chers collègues,

Dans sa lettre du 13 novembre 2016, Isabelle Morin a évoqué la « perspective nouvelle » dont Pierre Bruno a tracé les raisons et les contours dans sa lettre du 14. Marie-Jean Sauret en a ensuite exposé les avenants, en insistant notamment sur un point décisif : la création d’une nouvelle association nous soulagera d’être figés dans notre initiative de 2002, la création de l’APJL, et plus important encore (car nous aurions pu supporter quelque temps encore le joug d’être les « créateurs » ou plutôt les créatures de notre désir d’alors) permettra de libérer le champ pour une nouvelle génération.

En effet, la nouvelle association naîtra le jour même de son assemblée constituante et, en conséquence, tous les présents en seront les constituants, comme tels responsables de la suite.

Au delà de la conjoncture, c’est à dire des aléas (euphémisme bien sûr) de la liste dite APJLmembres, ce que nous voulons c’est, pour poursuivre avec Lacan, relever l’enjeu de la dissolution, mais en faisant de celle-ci, non pas prioritairement le constat d’un état des lieux défectif, mais l’outil positif et indispensable pour sortir de la routine grégaire dans laquelle s’égare, à force de résistance, l’enjeu associatif. Nous souhaitons, processus encore irréalisé dans notre champ, que la dissolution régénère le rapport de chacun à sa responsabilité d’associé, en évitant l’éparpillement en clans et en intrigues. Rompre ainsi avec une logique de scission.

Est-ce que cela sera suffisant pour inventer un savoir psychanalytique nouveau et, pour ceux et celles qui, dans l’association, s’autorisent comme analystes, pour vérifier leur savoir propre, en tant qu’il témoigne de la capacité à diriger une cure en respectant le sillon rigoureux ouvert par Freud, et non en tant que somme académique aussi sophistiquée soit-elle ou papillonnage freudo-lacanien ? C’est le pari.

La dissolution donc : nous allons demander, séance tenante, avec quelques autres, au CA, de l’inscrire à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale, soit le 19 mars 2017, à Paris.

Un daimon freudien nous a sans doute soufflé, quand nous avons rédigé les statuts de l’APJL, de prévoir un mode de dissolution facile à obtenir : La moitié plus un des présents. Merci à lui.

En ce qui concerne la nouvelle association, nous avons pris contact, en partie au hasard, au gré des débats, des affinités et des rencontres, avec quelques collègues qui ont manifesté clairement et indépendamment leur accord avec notre double initiative. Avec eux, nous allons d’ici la mi-décembre, élaborer un document comportant des propositions sur :

1) La dénomination de la nouvelle association.

2) Ses statuts.

3) Les lignes de force de son fonctionnement.

4) La façon dont elle compte atteindre les objectifs figurant dans la lettre du 14 novembre (le faire école ; la passe ; le fonctionnement).

La nouvelle association pourrait voir le jour début mars : ni trop tôt, pour que chacun puisse dire son mot, ni trop tard, pour ne pas céder à la procrastination. Une belle hâte, en somme.

Cordialement,

Pierre Bruno, Isabelle Morin, Marie-Jean Sauret, le 21 novembre 2016.